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LE CLAN DES RATHORES
Depuis les années 1200, le clan solaire des Rathores régnait sur le Marwar — « Pays de la Mort » — à l’Ouest du Rajasthan. Le plus brillant de ces farouches guerriers fut Jodha, qui fonda en 1459 la citadelle de Jodhpur. Afin de s’attirer la bénédiction de la sanglante Mataji, déesse de sa lignée, il fit enterrer vivants quatre jeunes gens à chaque angle de sa forteresse. Le sixième de ses treize fils, le bouillonnant Bika, fit vite de l’ombre à ses frères et en 1465, Jodha l’exila aux confins du désert du Thar, avec une maigre escorte de 500 fantassins et 100 cavaliers, dirigée par son oncle, l’habile Rawat. Grâce à lui, Bika réduisit rapidement les bandits qui infestaient le désert et s’y tailla un royaume bien à lui. Moyennant de très fortes taxes, il offrit sa protection aux caravaniers et s’enrichit assez pour fonder, dans les années 1480, la splendide cité qui porte son nom, Bikaner. Mais une longue et terrible sécheresse vint ravager son royaume, compromit ses rêves de revanche sur ses frères, et finit par le mettre sur le chemin de l’humble Djambo, précurseur de l’écologie moderne.
LE MONDE DE DJAMBO
L’incroyable parcours du prophète des Bishnoïs, Djambo (dit aussi Jambeshwar ou Jamboji) commence à Pipasar, minuscule village du Marwar, au Nord-Ouest du Rajasthan. Un pays de champs enserrés dans les dunes. On y trouvait naguère de vastes forêts peuplées de quantité d’animaux sauvages, tigres, loups, lynx, cerfs, antilopes, gazelles, oiseaux migrateurs... Les vents de sable sont dévastateurs, mais un arbre assure l’équilibre écologique de ce « Pays de la Mort » : le khejri, dont les profondes racines captent l’eau des nappes souterraines. Ses cosses et ses feuilles riches en vitamine C restent vertes en cas de sécheresse et s’avèrent très précieuses pour la survie des populations. Des étangs et des réservoirs recueillent l’eau des moussons. A la fin du Moyen-Age, en déboisant le pays, les puissants « raos » ( rajahs), déboisèrent le pays, ce qui rompit l’équilibre écologique et déclencha de terribles famines. D’où l’un des 29 principes de Djambo : « Ne coupez jamais les arbres verts ».
L’ENFANCE DE DJAMBO À PIPASAR
Pour écrire « La Forêt des 29 », Irène Frain a enquêté dans les communautés bishnois. A Pipasar, minuscule village du Rajasthan, elle a notamment retrouvé la maison natale de leur inspirateur, Djambo, précurseur de l’écologie moderne. Il y naquit, dit-on, en 1451. Son père, Lohat, homme de haute caste, était éleveur de chevaux. Il expédia très vite son fils dans les dunes et les champs pour y garder le bétail. Djambo se prit d’affection pour ses bêtes mais aussi pour les animaux sauvages et, dès l’adolescence, prit conscience de l’interdépendance de toutes les formes de vie — idée qui constitue le fondement même de son message. Son retentissement fut tel qu’après sa mort, sa maison natale fut pieusement conservée. On y voit ici Irène Frain en enquête. Elle interroge un jeune Bishnoï qui s’est détaché de toute vie matérielle pour se consacrer à la méditation sur les lieux de la naissance de Djambo. Au moment où commence leur échange, la pluie, attendue depuis des mois, arrive enfin...
LE PALAIS DE BIKA
CHAPITRE 2 « LE PALAIS DE LA FAMINE »
Les palais des maharadjahs sont d’une beauté et d’un raffinement éblouissants, mais leur construction se fit souvent au prix d’un déboisement massif. On réalisa leurs somptueuses peintures sur un support de stuc, lui-même confectionné à partir de calcaire calciné dans des fours. Or ces fours étaient chauffés au bois, souvent celui du khejri, variété d’acacia essentielle à la préservation des sols et à la survie des animaux et des humains — cet arbre résiste très bien à la sécheresse.
Par un malheureux paradoxe, les peintures de tous ces palais exaltent la splendeur de la nature du Rajasthan de l’époque: eau et animaux sauvages à profusion, forêts touffues, verdure merveilleuse... Au sens propre du terme, les Raos du Rajasthan coupèrent la branche sur laquelle ils étaient assis ! Une leçon écologique qui a inspiré le titre du chapitre 2 : « Le Palais de la Famine ».
Par un malheureux paradoxe, les peintures de tous ces palais exaltent la splendeur de la nature du Rajasthan de l’époque: eau et animaux sauvages à profusion, forêts touffues, verdure merveilleuse... Au sens propre du terme, les Raos du Rajasthan coupèrent la branche sur laquelle ils étaient assis ! Une leçon écologique qui a inspiré le titre du chapitre 2 : « Le Palais de la Famine ».
LE DESERT DU THAR
Le Thar est l’un des plus effroyables déserts de la planète. Les pluies y sont très rares et les tempêtes de poussière, meurtrières. Au Moyen-Age, les routes caravanières étaient gardées par de puissantes forteresses. Contre des taxes qui les enrichissaient démesurément, leurs seigneurs, les Raos — « rajah » dans la langue du désert — protégeaient les caravanes des bandits. A l’époque de Djambo, Bika fut l’un de ces terribles chefs de guerre. Dès 1480, il fit concurrence au Rao de Jaisalmer et établit sa suprématie sur le Nord-Ouest du « Pays de la Mort » en ouvrant et sécurisant de nouvelles routes caravanières vers les côtes de l’Inde.
Avec le commerce, l’élevage des dromadaires était l’une des seules ressources de cette âpre région où chaque goutte d’eau compte. Pour la traversée du Thar, les bêtes étaient souvent droguées à l’opium — sous certaines formes, il a un effet hautement stimulant. Les dromadaires pouvaient alors atteindre la vitesse de 60kms/h. Les armées indiennes et pakistanaises se déplacent encore ainsi dans le désert, aujourd’hui coupé par la frontière entre les deux pays.
Avec le commerce, l’élevage des dromadaires était l’une des seules ressources de cette âpre région où chaque goutte d’eau compte. Pour la traversée du Thar, les bêtes étaient souvent droguées à l’opium — sous certaines formes, il a un effet hautement stimulant. Les dromadaires pouvaient alors atteindre la vitesse de 60kms/h. Les armées indiennes et pakistanaises se déplacent encore ainsi dans le désert, aujourd’hui coupé par la frontière entre les deux pays.
LE MONDE DES MARCHANDS
CHAPITRE 6 « LA RIVIERE DE VENT »
Le Rajasthan, et notamment le Marwar ( « Pays de la Mort ») est un pays de routes caravanières. Les féodaux de la région (les Raos) étaient étroitement liés au monde des marchands. Ces négociants habiles possédaient des réseaux dans toute l’Inde et assuraient l’acheminement des marchandises vers la mer d’Oman. Epices, tapis, soieries, or, zinc, argent, opium étaient convoyés sur leurs dromadaires de l’autre côté du Thar jusqu’aux ports de la côte Ouest. De là, les précieuses balles étaient expédiées vers l’Arabie, la Perse, le Proche-Orient, voire l’Europe. Moyennant de fortes taxes, les Raos protégeaient les caravanes contre les attaques des bandits. Mais les marchands y trouvaient largement leur compte, comme en attestent encore leurs somptueuses demeures, les « havelis », qui ont résisté aux siècles. Elles ont inspiré le décor de la maison d’Inda dans le chapitre 6.
LA DANSE DE BINJI
CHAPITRE 5 « BINJI »
La danseuse Binji a été inspirée par les danseuses de la caste des Sapera ¬ — charmeurs de serpents — et de la sous-caste des Kalbeliyas, musiciens et danseuses errants — les cousins de nos gitans, dit-on. Leurs femmes sont célèbres pour leurs danses acrobatiques, notamment sur du verre pilé, ou encore pour la « danse du cobra » qui mime les mouvements du reptile. Une clarinette à deux tuyaux, un tambour et une viole accompagnent ces danses. La vie nomade des Kalbeliyas est très âpre, surtout pour les femmes.
Selon la tradition indienne, nul homme ne peut devenir sage sans avoir préalablement fait le tour du « Monde de l’Illusion » — « Maya ». La passion érotique et amoureuse — Kama — participe de ce monde des apparences, et Bouddha lui-même en passa par là. Adolescent, Djambo fut d’ailleurs illusionniste et ce fut sans doute sur les routes, qu’il vécut sa traversée des apparences, jusqu’au moment où sa rencontre avec des sages — souvent errants eux-mêmes — lui permirent de s’en libérer et d’accéder à une authentique spiritualité. Certains de ses 29 principes, directement inspirés par le bouddhisme, en font foi.
Selon la tradition indienne, nul homme ne peut devenir sage sans avoir préalablement fait le tour du « Monde de l’Illusion » — « Maya ». La passion érotique et amoureuse — Kama — participe de ce monde des apparences, et Bouddha lui-même en passa par là. Adolescent, Djambo fut d’ailleurs illusionniste et ce fut sans doute sur les routes, qu’il vécut sa traversée des apparences, jusqu’au moment où sa rencontre avec des sages — souvent errants eux-mêmes — lui permirent de s’en libérer et d’accéder à une authentique spiritualité. Certains de ses 29 principes, directement inspirés par le bouddhisme, en font foi.
LA DUNE DE L’ILLUMINATION
CHAPITRE 7 — « L’ESPRIT DE LA DUNE »
La dune de Samrathal (littéralement « Dune de Sable ») est l’un des hauts-lieux du parcours de Djambo. Selon la tradition, en 1485, au coeur d’une des pires sécheresses que connut le Rajasthan, il y a exposé pour la première fois ses principes de vie. Gestion rationnelle de l’eau, égalité entre tous les humains, abolition des castes, reconnaissance des femmes, respect des animaux et plus généralement de toute forme de vie, interdiction de couper les arbres verts... Le seul Dieu qu’il reconnaisse est la Nature. « Nulle fatalité dans notre naissance, nous nous créons nous-mêmes... La Forêt, c’est le Suprême... » Djambo étend à la Nature le principe humain de justice. Selon lui, le sang sépare les hommes, mais la sève les rassemble. Tous les ans, les Bishnoïs se réunissent à Samrathal et chacun dépose symboliquement une poignée de sable sur cette dune, désormais sacrée. Sur les recommandations de Djambo, elle a été stabilisée par des épineux afin de protéger les cultures de la fureur des vents du désert.
LA PHILOSOPHIE BISHNOI
CHAPITRE 8 « LA RELIGION DES SIMPLES »
Les paysans et les réprouvés qui avaient rencontré Djambo sur la dune de Samrathal possédaient des animaux et des semences. Avec lui, ils se mirent en quête d’une terre où ils puissent mettre en oeuvre son rêve: étendre à la Nature le principe de justice et respecter ses équilibres. Au terme d’une longue errance, ils jettent leur dévolu sur un lieu isolé où il reste un peu d’eau et tentent d’y inventer, non une nouvelle religion, mais une nouvelle façon de vivre en accord avec la Nature. Au bout de quelques années d’essais et d’erreurs, ils fixent à 29 le nombre de leurs principes — certains directement inspirés du bouddhisme. D’où le nom que les gens du pays leur donnèrent quand ils découvrirent leur communauté: les Bishnoïs — « 29 » en hindi. Suppression des castes, protection des femmes, végétarisme, respect absolu des arbres, des animaux et plus généralement de tous les vivants, en forment les points essentiels. Dans ce lieu qu’on appellera ensuite « Djamba » naît une oasis prospère. De nos jours, les Bishnoïs se rendent une fois par an dans ce lieu fondateur et, comme à Samrathal, déposent rituellement une poignée de sable en haut du tertre rouge. Une grande construction destinée au recueillement abrite une niche ancienne où se trouve l’empreinte des pieds de Djambo. On voit ici Irène Frain s’entretenir avec le sage qui garde les lieux.
HISTOIRE DES BISHNOIS
CHAPITRE 9 « COMME GRAINES JETÉES AUX QUATRE VENTS »
Quelques années après la fondation, à Djamba, de la première communauté de Bishnois, les 29 principes de Djambo font école. La verdure de son oasis, la sérénité environnante, la santé de ses habitants, leur empathie extraordinaire avec les animaux sauvages et domestiques, enfin leur philosophie de paix, inspirée du bouddhisme, impressionnent les visiteurs. Au Marwar (« Pays de la Mort ») quantité de gens sont aussi séduits par l’abolition des castes. Les femmes bishnois jouissent d’un statut privilégié : Djambo refuse le système de la dot, l’immolation des veuves est interdite et il invente le congé maternité ! Un adepte des 29 principes, Natho, recueille ses paroles, les « Shabad » — « Résonances ».
Les 800 000 Bishnoïs que compte actuellement l’Inde les écoutent ou les récitent régulièrement, comme ce sage rencontré à Phalodi, sur la route de Bikaner, avec qui Irène Frain a longuement parlé lors de son enquête.
Les 800 000 Bishnoïs que compte actuellement l’Inde les écoutent ou les récitent régulièrement, comme ce sage rencontré à Phalodi, sur la route de Bikaner, avec qui Irène Frain a longuement parlé lors de son enquête.
MASSACRE ET IMMOLATION DE KHEJARLI
CHAPITRE 10 « LA SEVE CONTRE LE SANG »
En 1730, près de deux cents ans après la mort de Djambo, un village de Bishnoïs fut confronté à une tragédie unique et exemplaire. Pour son nouveau palais, le Maharao ( Maharadjah) de Jodhpur, Abhaï Singh, eut besoin d’importantes quantités de bois. Les seules forêts appartenaient aux Bishnoïs et une vieille loi non écrite interdisait de les couper. Le Maharao passa outre et expédia une petite armée sur les terres des Bishnoïs. Son capitaine jeta son dévolu sur la forêt d’Amrita Devi dans le village de Khejarli. Celle-ci, en bonne adepte de Djambo, refusa l’argent qu’il lui offrait pour prix de ses arbres, s’enlaça à un tronc et préféra donner sa vie plutôt que de les laisser couper. Elle fut aussitôt décapitée. Mais ses filles Asi et Bhagu l’imitèrent, puis son mari, ses voisins et des habitants de 83 villages bishnoïs. 363 Bishnoïs périrent ainsi.
Irène Frain, grâce à son enquête à Khejarli — ici même, où on la voit faire la connaissance de Shuk Dev, descendant d’Amrita Devi à la 9ème génération — a reconstitué ce « massacre-immolation » dans le chapitre 10 et publié la liste des 363 héros de ce drame unique dans l’histoire de l’humanité.
Irène Frain, grâce à son enquête à Khejarli — ici même, où on la voit faire la connaissance de Shuk Dev, descendant d’Amrita Devi à la 9ème génération — a reconstitué ce « massacre-immolation » dans le chapitre 10 et publié la liste des 363 héros de ce drame unique dans l’histoire de l’humanité.