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SOUVENIRS DE LAURENT FIGNON
Le 24 janvier 2011
SOUVENIRS DE LAURENT FIGNON/ Publié dans MATCH le 2 septembre 2010
Rentrée 1975, à Lagny-sur-Marne. Je suis toute jeune prof de lettres, c’est la première fois qu’on me confie une seconde scientifique. Au fond, à gauche, un pull de laine rouge m’attire l’œil. Puis un regard d’un bleu extraordinaire. Le gamin est blond, mal attifé, mi-sérieux, mi-narquois. Sur sa fiche de renseignements, à la rubrique « Loisirs », il note : « Vélo »
Ca me frappe : moi aussi, j’aime le vélo. Mais à l’époque, çà fait ringard. Voici donc un élève qui sait ce qu’il veut.
Il me le fait d’ailleurs assez vite savoir : au bout d’un mois, il me déclare sans ménagement que Ronsard, Rabelais et Corneille, ça le gonfle. Un rationnel, le petit Fignon, un pragmatique. Et sous ses airs sages, un rebelle. Un soir, au beau milieu d’un cours, je vois un long filet de liquide jaune s’écouler dans l’allée jusqu’à mon bureau. Le ruisseau part du dessous de la table que Laurent partage avec son meilleur pote. Je m’entends penser : « Ils n’ont tout de même pas pissé ? »
L’air de rien, je m’avance dans l’allée. Laurent me fixe de ses yeux angéliques mais je sens qu’il a parfaitement saisi les contours de ma terreur. J’arrive près de sa table. Et je constate qu’il a simplement tourné le bouton du radiateur. Lequel laisse fuir ce liquide si parfaitement semblable à de l’urine. Ouf !
Mais tout de même, il faut sévir. Je tonne : « Fignon, deux heures de colle ! » Vingt ans plus tard, je le retrouve dans une émission de Jacques Martin. Teigneux, le Fignon : il me parle aussitôt – et en direct ! — de la fameuse colle. Et déclare dans la foulée qu’il m’en veut toujours…
Un moment, j’ai cru que cette pugnacité foncière allait lui permettre vaincre la maladie. Mais le crabe était plus hargneux, il l’a coiffé au poteau. Il me reste ces petits éclats de grâce adolescente. Mais j’allais oublier : entre sa classe de seconde et le Tour de France, Laurent était devenu un fan de livres et de littérature…
Rentrée 1975, à Lagny-sur-Marne. Je suis toute jeune prof de lettres, c’est la première fois qu’on me confie une seconde scientifique. Au fond, à gauche, un pull de laine rouge m’attire l’œil. Puis un regard d’un bleu extraordinaire. Le gamin est blond, mal attifé, mi-sérieux, mi-narquois. Sur sa fiche de renseignements, à la rubrique « Loisirs », il note : « Vélo »
Ca me frappe : moi aussi, j’aime le vélo. Mais à l’époque, çà fait ringard. Voici donc un élève qui sait ce qu’il veut.
Il me le fait d’ailleurs assez vite savoir : au bout d’un mois, il me déclare sans ménagement que Ronsard, Rabelais et Corneille, ça le gonfle. Un rationnel, le petit Fignon, un pragmatique. Et sous ses airs sages, un rebelle. Un soir, au beau milieu d’un cours, je vois un long filet de liquide jaune s’écouler dans l’allée jusqu’à mon bureau. Le ruisseau part du dessous de la table que Laurent partage avec son meilleur pote. Je m’entends penser : « Ils n’ont tout de même pas pissé ? »
L’air de rien, je m’avance dans l’allée. Laurent me fixe de ses yeux angéliques mais je sens qu’il a parfaitement saisi les contours de ma terreur. J’arrive près de sa table. Et je constate qu’il a simplement tourné le bouton du radiateur. Lequel laisse fuir ce liquide si parfaitement semblable à de l’urine. Ouf !
Mais tout de même, il faut sévir. Je tonne : « Fignon, deux heures de colle ! » Vingt ans plus tard, je le retrouve dans une émission de Jacques Martin. Teigneux, le Fignon : il me parle aussitôt – et en direct ! — de la fameuse colle. Et déclare dans la foulée qu’il m’en veut toujours…
Un moment, j’ai cru que cette pugnacité foncière allait lui permettre vaincre la maladie. Mais le crabe était plus hargneux, il l’a coiffé au poteau. Il me reste ces petits éclats de grâce adolescente. Mais j’allais oublier : entre sa classe de seconde et le Tour de France, Laurent était devenu un fan de livres et de littérature…