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Portrait de Patricia KAAS
Le 02 novembre 2008
Paru dans Paris-Match : « Je suis amoureuse »
L’amoureuse est mystérieuse. Et Patricia Kaas n’a pas changé. Mêmes façons de bouger qu’à ses débuts il y a vingt ans, mi-funambule, mi-chat écorché. Et mêmes yeux couleur de pluie et de mélancolie, alors que tout Paris bruit de sa romance avec Yannick Alleno, le fringant trentenaire qui règne sur les cuisines de l’Hôtel Meurice et que ses pairs viennent de sacrer « Chef de l’Année 2008 », tandis qu’un autre jury le bombardait « Chef le plus sexy ». Mais le beau Yannick a-t-il vraiment converti Patricia aux délices de la nage d’écrevisses aux fèves fraîches, à l’extase de la fouace perdue aux fruits rouges et au septième ciel de son foie gras au chambertin ? Pas si sûr. A l’image des blondes égéries des années 30 dont les fantômes hantent son spectacle « Kabaret », elle est restée d’une minceur extrême. Ou elle fait un régime, ou rien ne lui profite, ou la bouffe, elle s’en fout. C’est la dernière proposition qui est la bonne, confesse-t-elle sans chichis,l’amour dans la cuisine n’a rien à voir avec sa romance. Puis un sourire passe fugacement sur ses lèvres diaphanes : « La gourmandise n’est pas mon truc. En plus, comme l’affaire de Yannick, c’est plutôt le poisson, et que je déteste çà… Quand on se retrouve, il veut toujours me préparer un petit plat. Pour me faire plaisir. Je lui réponds toujours : « Ok, mais fais simple ! » Il est sur-occupé, moi aussi. Je veux qu’on profite de tous ces précieux moments ensemble. Et puis, à peine quatre mois qu’on s’est rencontrés… »
Donc surtout pas de prises de tête du type : « Pourquoi lui, pourquoi moi, est-ce qu’on est vraiment fait l’un pour l’autre et est-ce que çà va durer ? » Notre Grande Mademoiselle du Blues, de toute façon, n’a jamais été amour-délices-et-orgues. Quant au plan nursery, pas au programme non plus, malgré, à 42 ans, l’urgence de l’horloge biologique. « Ma tournée en France et en Russie, mon show en décembre au Casino de Paris et la sortie de mon album en mars..Un bébé…Mais je n’ai même pas une seconde pour y penser ! Quelquefois, bien sûr, je me dis que, si je m'y prends trop tard, j'aurai raté quelque chose. Mais d'autres fois, quand j’entends un enfant hurler, je me demande: "Est-ce que je pourrais supporter çà?" Patricia Kaas choisit donc d’en rester, pour ses amours, à une petite musique de chambre intime. Sans pour autant en faire un secret d’état. Simple comme bonjour, mais consciente du prix de cette toute neuve romance, elle préfère l’évoquer comme ces objets rares qu’elle aime à dénicher pour décorer son duplex : « L’amour est fragile, c’est sa nature même. Ce qui m’attache à Yannick, c’est avant tout qu’il soit tendre, attentionné, présent… » Puis, opérant soudain un zoom arrière sur les passions publiques ou secrètes qui jalonnèrent ses vingt ans de carrière, elle laisse s’embuer sa belle voix rauque: « Des qualités que j’ai guère rencontrées chez les hommes jusqu’à maintenant… »
Enfin le Prince Charmant, alors? Petit air boudeur. Et fermeté sourcilleuse de la fille qui n’aime pas marchander sa liberté: « C’est vrai qu’on en rêve toutes, de la fameuse épaule sur qui s’appuyer. Mais disons plutôt que Yannick est l’homme dont j’ai besoin en ce moment. J’ai longtemps voulu tout faire en mec, ma carrière comme le reste. Avec le temps, je suis sans doute devenue plus femme. Et j’arrive enfin à me dire : « Je suis fatiguée, j’ai besoin de quelqu’un à mes côtés ». Mais je garde mon côté solitaire. Et comme nous avons tous les deux des emplois du temps très chargés, nous avons chacun notre appartement. »
A la façon dont elle vient de se raidir, facile de pressentir qu’il y a peu, la casse et la Kaas faisaient encore excellent ménage. Travers classique des perfectionnistes. Et rançon archi-connue des femmes célèbres, pour qui la gloire, selon l’excellente formule de Madame de Staël, est si souvent le deuil éclatant du bonheur. En fille qui n’a pas peur de grand-chose, Patricia Kaas assume: « Je suis très difficile à vivre, l’ego masculin a du mal à s’accommoder d’une fille comme moi. Mais j’ai révisé mes attentes. J’ai connu, il faut dire, de terribles déceptions. Et contrairement à ce qu’on croit, en amour, ce n’est pas la rupture qui fait le plus mal. La douleur, c’est de réaliser qui est réellement l’autre. Quand on s’aperçoit, par exemple, qu’on a vécu des années aux côtés de quelqu’un pour qui on n’était qu’un faire-valoir. Quand on saisit qu’au moment où cet homme disait « Je t’aime », il ne pensait qu’à son intérêt ou à l’affirmation de son ego. Dans ces moments-là, qu’est-ce qu’on s’en veut ! Et la douleur persiste très longtemps après la rupture, car on a été dupe de soi-même. La méfiance s’installe, et ce sont ceux qui suivent qui paient les pots cassés…Heureusement, il y a la scène. Là, je donne tout et je revis. »
Rien qu’à évoquer cette souffrance, elle se met à brûler des pieds à la tête. Feu intérieur, comme pendant son spectacle, ces instants de grâce où elle se glisse dans la peau des vamps d’avant-guerre et, glamour en diable dans son fourreau lamé, se met à chalouper entre le Berlin enfumé de Dietrich, les beautés bisexuelles et cocaïnées du Paris de Chanel, le New York de la prohibition ou le tango de Buenos-Aires, façon pensées tristes qui se dansent. Sa voix se fait de plus en plus rauque, la passion la consume, puissante, ventrale, au point de faire fondre sa glaciale blondeur : « Les chansons, les icônes, les vêtements de ce temps-là, c’est tout mon univers…Quand j’étais petite, maman, tout en repassant ou cuisinant, ne cessait de fredonner des chansons de Marlène. Et la mélancolie, c’est une vieille compagne depuis que ma mère, précisément, l’amour de ma vie, est morte l’année de mes vingt ans. Il m’en est resté l’idée que la vie est injuste… »
Est-ce ce deuil impossible qui maintenant la pousse à crisper sous la table ses longues jambes de danseuse ? Ou songe-t-elle plutôt aux aléas de sa carrière, soumise à dure épreuve en ces jours où les jeunes plébiscitent des Camille ou Anaïs plus proches de la grisaille des jours, qui remplissent le Zénith en trois coups de cuiller à pot ? Car disons les choses comme elles sont : Patricia Kaas préfère triompher dans les pays de l’Est et finance ouvertement sur ses euros. Et là encore, en courageuse chanteuse de fond, la Kaas ne s’en laisse pas conter : « Je ne serai jamais de celles qui, par effet de mode, chantent le quotidien des rapports homme-femme, genre « Tu es arrivé avec des chaussettes puantes, on a fait l’amour puis on a cuit des spaghetti ! » Moi, j’ai soif d’unique et de beauté. Et ce qui me passionne, c’est de toucher le cœur des gens dans ce qu’ils ont de plus profond »
Mais soudain, bémol : la fée incandescente se retransforme en mystérieuse amoureuse. A quoi rêve-t-elle ? A l’irréelle silhouette de Marlène ? Aux bras d’un homme capable de lui offrir, comme çà, rien que par amour, les délices tellement plus terrestres d’un bon petit plat ? Ou aux deux à la fois ? Croisée des chemins. On ne saura pas.
L’amoureuse est mystérieuse. Et Patricia Kaas n’a pas changé. Mêmes façons de bouger qu’à ses débuts il y a vingt ans, mi-funambule, mi-chat écorché. Et mêmes yeux couleur de pluie et de mélancolie, alors que tout Paris bruit de sa romance avec Yannick Alleno, le fringant trentenaire qui règne sur les cuisines de l’Hôtel Meurice et que ses pairs viennent de sacrer « Chef de l’Année 2008 », tandis qu’un autre jury le bombardait « Chef le plus sexy ». Mais le beau Yannick a-t-il vraiment converti Patricia aux délices de la nage d’écrevisses aux fèves fraîches, à l’extase de la fouace perdue aux fruits rouges et au septième ciel de son foie gras au chambertin ? Pas si sûr. A l’image des blondes égéries des années 30 dont les fantômes hantent son spectacle « Kabaret », elle est restée d’une minceur extrême. Ou elle fait un régime, ou rien ne lui profite, ou la bouffe, elle s’en fout. C’est la dernière proposition qui est la bonne, confesse-t-elle sans chichis,l’amour dans la cuisine n’a rien à voir avec sa romance. Puis un sourire passe fugacement sur ses lèvres diaphanes : « La gourmandise n’est pas mon truc. En plus, comme l’affaire de Yannick, c’est plutôt le poisson, et que je déteste çà… Quand on se retrouve, il veut toujours me préparer un petit plat. Pour me faire plaisir. Je lui réponds toujours : « Ok, mais fais simple ! » Il est sur-occupé, moi aussi. Je veux qu’on profite de tous ces précieux moments ensemble. Et puis, à peine quatre mois qu’on s’est rencontrés… »
Donc surtout pas de prises de tête du type : « Pourquoi lui, pourquoi moi, est-ce qu’on est vraiment fait l’un pour l’autre et est-ce que çà va durer ? » Notre Grande Mademoiselle du Blues, de toute façon, n’a jamais été amour-délices-et-orgues. Quant au plan nursery, pas au programme non plus, malgré, à 42 ans, l’urgence de l’horloge biologique. « Ma tournée en France et en Russie, mon show en décembre au Casino de Paris et la sortie de mon album en mars..Un bébé…Mais je n’ai même pas une seconde pour y penser ! Quelquefois, bien sûr, je me dis que, si je m'y prends trop tard, j'aurai raté quelque chose. Mais d'autres fois, quand j’entends un enfant hurler, je me demande: "Est-ce que je pourrais supporter çà?" Patricia Kaas choisit donc d’en rester, pour ses amours, à une petite musique de chambre intime. Sans pour autant en faire un secret d’état. Simple comme bonjour, mais consciente du prix de cette toute neuve romance, elle préfère l’évoquer comme ces objets rares qu’elle aime à dénicher pour décorer son duplex : « L’amour est fragile, c’est sa nature même. Ce qui m’attache à Yannick, c’est avant tout qu’il soit tendre, attentionné, présent… » Puis, opérant soudain un zoom arrière sur les passions publiques ou secrètes qui jalonnèrent ses vingt ans de carrière, elle laisse s’embuer sa belle voix rauque: « Des qualités que j’ai guère rencontrées chez les hommes jusqu’à maintenant… »
Enfin le Prince Charmant, alors? Petit air boudeur. Et fermeté sourcilleuse de la fille qui n’aime pas marchander sa liberté: « C’est vrai qu’on en rêve toutes, de la fameuse épaule sur qui s’appuyer. Mais disons plutôt que Yannick est l’homme dont j’ai besoin en ce moment. J’ai longtemps voulu tout faire en mec, ma carrière comme le reste. Avec le temps, je suis sans doute devenue plus femme. Et j’arrive enfin à me dire : « Je suis fatiguée, j’ai besoin de quelqu’un à mes côtés ». Mais je garde mon côté solitaire. Et comme nous avons tous les deux des emplois du temps très chargés, nous avons chacun notre appartement. »
A la façon dont elle vient de se raidir, facile de pressentir qu’il y a peu, la casse et la Kaas faisaient encore excellent ménage. Travers classique des perfectionnistes. Et rançon archi-connue des femmes célèbres, pour qui la gloire, selon l’excellente formule de Madame de Staël, est si souvent le deuil éclatant du bonheur. En fille qui n’a pas peur de grand-chose, Patricia Kaas assume: « Je suis très difficile à vivre, l’ego masculin a du mal à s’accommoder d’une fille comme moi. Mais j’ai révisé mes attentes. J’ai connu, il faut dire, de terribles déceptions. Et contrairement à ce qu’on croit, en amour, ce n’est pas la rupture qui fait le plus mal. La douleur, c’est de réaliser qui est réellement l’autre. Quand on s’aperçoit, par exemple, qu’on a vécu des années aux côtés de quelqu’un pour qui on n’était qu’un faire-valoir. Quand on saisit qu’au moment où cet homme disait « Je t’aime », il ne pensait qu’à son intérêt ou à l’affirmation de son ego. Dans ces moments-là, qu’est-ce qu’on s’en veut ! Et la douleur persiste très longtemps après la rupture, car on a été dupe de soi-même. La méfiance s’installe, et ce sont ceux qui suivent qui paient les pots cassés…Heureusement, il y a la scène. Là, je donne tout et je revis. »
Rien qu’à évoquer cette souffrance, elle se met à brûler des pieds à la tête. Feu intérieur, comme pendant son spectacle, ces instants de grâce où elle se glisse dans la peau des vamps d’avant-guerre et, glamour en diable dans son fourreau lamé, se met à chalouper entre le Berlin enfumé de Dietrich, les beautés bisexuelles et cocaïnées du Paris de Chanel, le New York de la prohibition ou le tango de Buenos-Aires, façon pensées tristes qui se dansent. Sa voix se fait de plus en plus rauque, la passion la consume, puissante, ventrale, au point de faire fondre sa glaciale blondeur : « Les chansons, les icônes, les vêtements de ce temps-là, c’est tout mon univers…Quand j’étais petite, maman, tout en repassant ou cuisinant, ne cessait de fredonner des chansons de Marlène. Et la mélancolie, c’est une vieille compagne depuis que ma mère, précisément, l’amour de ma vie, est morte l’année de mes vingt ans. Il m’en est resté l’idée que la vie est injuste… »
Est-ce ce deuil impossible qui maintenant la pousse à crisper sous la table ses longues jambes de danseuse ? Ou songe-t-elle plutôt aux aléas de sa carrière, soumise à dure épreuve en ces jours où les jeunes plébiscitent des Camille ou Anaïs plus proches de la grisaille des jours, qui remplissent le Zénith en trois coups de cuiller à pot ? Car disons les choses comme elles sont : Patricia Kaas préfère triompher dans les pays de l’Est et finance ouvertement sur ses euros. Et là encore, en courageuse chanteuse de fond, la Kaas ne s’en laisse pas conter : « Je ne serai jamais de celles qui, par effet de mode, chantent le quotidien des rapports homme-femme, genre « Tu es arrivé avec des chaussettes puantes, on a fait l’amour puis on a cuit des spaghetti ! » Moi, j’ai soif d’unique et de beauté. Et ce qui me passionne, c’est de toucher le cœur des gens dans ce qu’ils ont de plus profond »
Mais soudain, bémol : la fée incandescente se retransforme en mystérieuse amoureuse. A quoi rêve-t-elle ? A l’irréelle silhouette de Marlène ? Aux bras d’un homme capable de lui offrir, comme çà, rien que par amour, les délices tellement plus terrestres d’un bon petit plat ? Ou aux deux à la fois ? Croisée des chemins. On ne saura pas.