Mes articles
Mélissa THEURIAU
Le 05 septembre 2008
Paru dans Paris-Match "Mélissa THEURIAU : elle attend un garçon"
Pour commencer, on ne voit que sa beauté. Son teint de rêve, son sourire radieux, son visage aux proportions idéales, ses yeux de miel où on se perd. La nature semble avoir fabriqué Melissa Theuriau exprès pour la télé. Dans cette tunique anthracite, toute autre qu’elle aurait l’air d’une blatte ou d’un rat des caves. Elle, comme toutes les très belles femmes, a le don de faire du gris une couleur. Et on peut chercher la petite bête et plisser l’œil tant qu’on veut : rien à redire, pas le moindre début de cerne, elle est parfaite. Alors qu’elle est enceinte de six mois. Si elle n’avait souligné son ventre d’une étole, sa grossesse serait insoupçonnable. Solidement juchée sur les talons aiguille de ses boots noires, et le temps de me glisser que ce sera un garçon, elle gagne au pas de course le studio de M6 où elle va enregistrer les lancements du numéro de « Zone Interdite » consacré au pays ch’ti. Sans s’essouffler. La grande forme. Il est pourtant dix-neuf heures, elle s’est levée aux aurores et elle a un gros souci: depuis trois jours, Dany Boon, qui lui a promis une interview, dit oui, puis non. Et re-oui, et re-non. « Après l’enregistrement », maintient-elle, « on va tout de même aller chez son agent. Il viendra ou il ne viendra pas. J’ai écrit deux versions de mes lancements. Une, pour le cas où ça marche. L’autre, s’il annule. » Dany Boon a ses vapeurs mais la belle a des nerfs. Elle pourrait faire son souk, clamer qu’elle est l’épouse de Djamel Debbouze, une autre de nos stars nationales. Mais non, ton purement informatif. Elle se plonge dans ses fiches pour réviser ses textes. Détendue et concentrée. Rayonnante, et dominant parfaitement ce rayonnement. A force de s’entendre répéter qu’elle est « une fille qui a tout » et de croiser des regards jaunis d’envie, longtemps qu’elle s’est blindée. Son mariage avec Debbouze, l’an passé, n’a manifestement rien changé à sa méthode : sourire, se taire, bosser. Et sa grossesse encore moins, la preuve : maintenant que les consignes de la régie grésillent dans son oreillette, elle s’y plie scrupuleusement. Reprend, répète, se corrige et re-reprend. Consciencieuse, patiente. On en est à cinq, six, puis sept lancements. Et toujours la même gestuelle : pour accueillir le téléspectateur, bras grands ouverts de part et d’autre du bureau , façon ailes d’oiseau. Puis elle les replie, se tourne sur la droite et crispe les doigts sur son stylo — l’inconfort du siège, sans doute. Second symptôme de tension intérieure: entre chaque prise, elle caresse son joli petit bedon. Comme si elle voulait protéger son bébé du stress ambiant.
De prise en prise, elle s’affranchit du prompteur. Se fait plus percutante, plus chaleureuse. « Ok, c’est dans la boîte ! » finit par lâcher le réalisateur. On file à la loge. Toujours pas de nouvelles de Boon. Elle fait comme si ça marche : retouche coiffure — simples petits crans au Babyliss, elle a horreur de la laque — , puis sourire pêchu à vous faire croire qu’elle va rejoindre son Djamel dans une soirée en boîte. Malgré tout, je devine qu’elle prend sur elle. Sac Chanel en cuir ciré dans une main, et le journal « Le Monde » dans l’autre, elle m’entraîne déjà dans l’ascenseur. Dans la rue, un taxi nous attend. Elle s’écroule sur les coussins. Et enfin, se lâche : « Sur le coup de vingt heures, comme maintenant, je me sens un peu crevée. Mais j’y tiens, à cette interview de Boon. Et je suis de ceux qui pensent que, lorsqu'on veut vraiment quelque chose, on l’obtient. Je dois çà à mes parents. Ma mère s’occupe d’aider des traumatisés crâniens à retrouver du travail et mon père est psychologue dans un hôpital. Ils m'ont appris très tôt à laisser de côté mon ego. Ma grand-mère a fait le reste. Elle avait une ferme où on allait en vacances, avec mon frère. Il y a quelque chose en moi qui reste relié à la terre. »
Effondrée comme elle est sur le siège du taxi, son ventre est maintenant très visible. Aussi rond qu’une planète. Depuis qu’elle a prononcé le mot « terre », d’ailleurs, elle n’arrête plus de le caresser. Elle a maintenant bifurqué sur son métier : « Tous les matins, je me réveille avec cette chance inouïe : la curiosité du monde. Intacte, malgré le bouleversement de ma vie privée. Ce qui me passionne dans les reportages de « Zone Interdite », c’est aussi de suivre les gens pendant des mois. Du travail de fond. Et de vrais petits romans. Avec parfois des conclusions merveilleuses. Je pense à cette anorexique, Chloé, qui avait tellement ému les téléspectateurs. Figurez-vous que maintenant, elle est enceinte, comme moi ! Il y a deux ans, quand j’ai repris l’émission, j’ai voulu qu’on sente physiquement que nous allons là où les autres ne vont pas. Donc le plus souvent possible, on sort du studio, on se déplace. La dame du Secours Catholique qui se démène au fond de la Creuse pour les gens en grande précarité nous livre dix fois plus de vérités quand on l’interviewe dans son environnement. A Paris, dans nos studios, elle serait intimidée, coincée. Je crois aussi qu’en dévoilant certaines horreurs, comme nous l’avons fait pour les maisons de retraite, on joue un rôle préventif. On peut s’aventurer à peu près partout. L’un des seuls terrains qui soit vraiment tabou, c’est la Ddass.»
Limpide et précise, ne s’autorisant aucun écart de langage, Mélissa a le même phrasé qu’à la télé : incisif. Une fille aussi affutée qu’elle est jolie — c'est dire. Et ultra-zen. Même quand on arrive devant l'immeuble de l'agent de Boon, et qu’un technicien de M6 annonce que le son et les lumières sont fins prêts dans le bureau prévu pour l’enregistrement, mais qu’on est toujours sans nouvelles de la star. Et tant que Boon n’est pas là, l’agent ne veut voir personne. Donc bienvenue en Goujaterie : comme il n’y a aucun troquet dans le coin, toute l’équipe va devoir faire le pied de grue sur le trottoir. Melissa comprise. On hèle le serveur d’un restaurant. Et là, miracle : pour le ventre rond de Melissa autant que pour les beaux yeux de celle qui fut naguère sacrée « plus belle femme du monde » par la presse internationale, le patron transforme illico une partie de son établissement en café…
Elle s’écroule sur la banquette, commande un thé vert, discute des sujets à venir avec sa petite bande. Optimisme indéboulonnable. Je m’en étonne : discipline ou façade ? « Ni l’un ni l’autre, c’est mon tempérament. A force, bien sûr, j’ai constaté que c’est un cercle vertueux. La gaîté génère la gaîté comme l’énervement engendre l’énervement. Et comment me plaindre ? A longueur d’année, j’explore des sujets tellement plus graves ! La maltraitance, la précarité, les abus en tous genre…» Pour tromper le temps, elle appelle un des responsables de l’émission. Et lui propose des sujets : « La communauté noire de France se mobilise pour Obama. Tu ne crois pas qu’il y a un truc à faire ? » Elle semble enthousiaste. Mais, sitôt le téléphone raccroché, elle murmure : « J’espère que, quand je serai rentrée, mon mari m’aura préparé un petit plat… » Puis elle extrait de son sac ses fiches sur les Ch’tis et commence à les potasser. L’attente, tout de même, lui a porté sur le système: d’un seul coup, elle émerge de ses notes : « J’ai perdu ma bague! J’ai dû la tripoter, c’est idiot ! » Panique générale. Une fois encore, elle refuse de s’énerver : « Laissez ! Eclairez-moi seulement avec un portable. » Première à se recroqueviller sous la table, elle finit très vite, ouf ! par dénicher son solitaire en diamant. Pas le temps de lui demander si c’est un cadeau de Djamel : comme dans un film, c’est précisément le moment où le téléphone sonne: Sa Grandeur Dany Boon, finalement, a daigné venir. Mais il est épuisé, sa vie est trop dure, il n’a pas le temps, il faut enregistrer tout de suite et en toute discrétion. Bref, cancer de l’ego très avancé. Melissa éclate de rire. Mais au lieu de se tenir les côtes, comme d’habitude, c’est son ventre qu’elle soutient. Protectrice, dans l’hilarité comme dans le stress. On convient de se revoir deux jours plus tard puis elle s’engouffre dans l’immeuble, plus déterminée que jamais. Un vrai petit soldat de la télé.
La fille que je retrouve quarante-huit heures après, non loin de son appartement de l’Ile Saint-Louis, est inchangée : sous le soleil et au calme, rayonnante et gaie. Comme dans les fébriles sous-sols de M6. Elle a obtenu dix minutes de Boon, elle est ravie. Le reste, elle préfère l’oublier : « Je suis toute à ma grossesse. Je veux profiter de chacun de ses instants avec tous ceux que j’aime. Sa tonalité, ses harmoniques, je les garde pour moi. Vous ne me verrez jamais donner dans le cliché« Melissa Theuriau-épanouie-enceinte ». Mon mari, beaucoup plus que moi, appartient au public. Donc nous ne pouvons pas tout cacher de notre vie. Mais comme lui,je veux vivre ces moments-là avec le maximum d’intimité.» Je relève qu’elle a constamment le mot « mari » à la bouche. Pas du tout raccord avec l’image de Debbouze. Ni avec l’âge de Melissa : tout juste trente ans. Un peu vieillot. Pourquoi ne dit-elle jamais « Djamel » ? Pudeur ? Manque de confiance en elle, comme souvent chez les très belles femmes ? Soif de repères solides, besoin de sécurité ?
Ma question, pour une fois, la désarçonne. Bref moment de défensive. L’eau dorée de ses yeux se trouble, son front se plisse. Puis elle retrouve sourire et allant: « Mais j’adore les choses vieillottes ! « Mari », « mariage », ce sont pour moi des mots sacrés. Et c’était capital qu’on s’engage devant Dieu et devant les hommes. On a voulu dire qu’on s’est trouvés. On a eu les mêmes blessures, les mêmes origines modestes, le même statut d’aîné, celui qui porte tous les espoirs de la famille.Et nos métiers sont finalement identiques : évoquer les sujets qui font mal, briser la loi du silence, nous battre contre le mépris, la plaie la plus profonde de notre société. Et montrer qu’on peut sortir du communautarisme. Ma famille est catholique, celle de mon mari musulmane, elles nous ont fait le cadeau du respect mutuel. Au contact de ses grands-parents, notre enfant se familiarisera spontanément avec les deux religions. et quand il sera grand, il choisira. Ou ne croira en rien. L’essentiel, c’est qu’il sache d’où il est sorti. Par moi, de la terre. Et par son père, de la banlieue. Et ce sera la même chose pour les autres. Parce qu’idéalement, des enfants, j’en voudrais trois… »
Djamel Debbouze, alors, le Prince Charmant? Définitivement, absolument ? « Vous pouvez le dire comme ça. » La voix s’est légèrement cassée, le regard s’est fait songeur. Rempli de quelque chose d’infiniment plus complexe que la gaîté d’une belle fille épargnée du malheur. Sûrement les fêlures, les blessures communes qu’elle dit partager avec Debbouze. Mais lesquelles au juste ? Elle secoue la tête et se replie dans le refuge de la grossesse : « Je préfère rester dans l’ode à la vie que je porte. » Puis, effleurant une fois de plus son ventre en forme de planète, elle cherche la lumière. Et me décoche son plus beau sourire. Solaire et secrète, obstinément.
Pour commencer, on ne voit que sa beauté. Son teint de rêve, son sourire radieux, son visage aux proportions idéales, ses yeux de miel où on se perd. La nature semble avoir fabriqué Melissa Theuriau exprès pour la télé. Dans cette tunique anthracite, toute autre qu’elle aurait l’air d’une blatte ou d’un rat des caves. Elle, comme toutes les très belles femmes, a le don de faire du gris une couleur. Et on peut chercher la petite bête et plisser l’œil tant qu’on veut : rien à redire, pas le moindre début de cerne, elle est parfaite. Alors qu’elle est enceinte de six mois. Si elle n’avait souligné son ventre d’une étole, sa grossesse serait insoupçonnable. Solidement juchée sur les talons aiguille de ses boots noires, et le temps de me glisser que ce sera un garçon, elle gagne au pas de course le studio de M6 où elle va enregistrer les lancements du numéro de « Zone Interdite » consacré au pays ch’ti. Sans s’essouffler. La grande forme. Il est pourtant dix-neuf heures, elle s’est levée aux aurores et elle a un gros souci: depuis trois jours, Dany Boon, qui lui a promis une interview, dit oui, puis non. Et re-oui, et re-non. « Après l’enregistrement », maintient-elle, « on va tout de même aller chez son agent. Il viendra ou il ne viendra pas. J’ai écrit deux versions de mes lancements. Une, pour le cas où ça marche. L’autre, s’il annule. » Dany Boon a ses vapeurs mais la belle a des nerfs. Elle pourrait faire son souk, clamer qu’elle est l’épouse de Djamel Debbouze, une autre de nos stars nationales. Mais non, ton purement informatif. Elle se plonge dans ses fiches pour réviser ses textes. Détendue et concentrée. Rayonnante, et dominant parfaitement ce rayonnement. A force de s’entendre répéter qu’elle est « une fille qui a tout » et de croiser des regards jaunis d’envie, longtemps qu’elle s’est blindée. Son mariage avec Debbouze, l’an passé, n’a manifestement rien changé à sa méthode : sourire, se taire, bosser. Et sa grossesse encore moins, la preuve : maintenant que les consignes de la régie grésillent dans son oreillette, elle s’y plie scrupuleusement. Reprend, répète, se corrige et re-reprend. Consciencieuse, patiente. On en est à cinq, six, puis sept lancements. Et toujours la même gestuelle : pour accueillir le téléspectateur, bras grands ouverts de part et d’autre du bureau , façon ailes d’oiseau. Puis elle les replie, se tourne sur la droite et crispe les doigts sur son stylo — l’inconfort du siège, sans doute. Second symptôme de tension intérieure: entre chaque prise, elle caresse son joli petit bedon. Comme si elle voulait protéger son bébé du stress ambiant.
De prise en prise, elle s’affranchit du prompteur. Se fait plus percutante, plus chaleureuse. « Ok, c’est dans la boîte ! » finit par lâcher le réalisateur. On file à la loge. Toujours pas de nouvelles de Boon. Elle fait comme si ça marche : retouche coiffure — simples petits crans au Babyliss, elle a horreur de la laque — , puis sourire pêchu à vous faire croire qu’elle va rejoindre son Djamel dans une soirée en boîte. Malgré tout, je devine qu’elle prend sur elle. Sac Chanel en cuir ciré dans une main, et le journal « Le Monde » dans l’autre, elle m’entraîne déjà dans l’ascenseur. Dans la rue, un taxi nous attend. Elle s’écroule sur les coussins. Et enfin, se lâche : « Sur le coup de vingt heures, comme maintenant, je me sens un peu crevée. Mais j’y tiens, à cette interview de Boon. Et je suis de ceux qui pensent que, lorsqu'on veut vraiment quelque chose, on l’obtient. Je dois çà à mes parents. Ma mère s’occupe d’aider des traumatisés crâniens à retrouver du travail et mon père est psychologue dans un hôpital. Ils m'ont appris très tôt à laisser de côté mon ego. Ma grand-mère a fait le reste. Elle avait une ferme où on allait en vacances, avec mon frère. Il y a quelque chose en moi qui reste relié à la terre. »
Effondrée comme elle est sur le siège du taxi, son ventre est maintenant très visible. Aussi rond qu’une planète. Depuis qu’elle a prononcé le mot « terre », d’ailleurs, elle n’arrête plus de le caresser. Elle a maintenant bifurqué sur son métier : « Tous les matins, je me réveille avec cette chance inouïe : la curiosité du monde. Intacte, malgré le bouleversement de ma vie privée. Ce qui me passionne dans les reportages de « Zone Interdite », c’est aussi de suivre les gens pendant des mois. Du travail de fond. Et de vrais petits romans. Avec parfois des conclusions merveilleuses. Je pense à cette anorexique, Chloé, qui avait tellement ému les téléspectateurs. Figurez-vous que maintenant, elle est enceinte, comme moi ! Il y a deux ans, quand j’ai repris l’émission, j’ai voulu qu’on sente physiquement que nous allons là où les autres ne vont pas. Donc le plus souvent possible, on sort du studio, on se déplace. La dame du Secours Catholique qui se démène au fond de la Creuse pour les gens en grande précarité nous livre dix fois plus de vérités quand on l’interviewe dans son environnement. A Paris, dans nos studios, elle serait intimidée, coincée. Je crois aussi qu’en dévoilant certaines horreurs, comme nous l’avons fait pour les maisons de retraite, on joue un rôle préventif. On peut s’aventurer à peu près partout. L’un des seuls terrains qui soit vraiment tabou, c’est la Ddass.»
Limpide et précise, ne s’autorisant aucun écart de langage, Mélissa a le même phrasé qu’à la télé : incisif. Une fille aussi affutée qu’elle est jolie — c'est dire. Et ultra-zen. Même quand on arrive devant l'immeuble de l'agent de Boon, et qu’un technicien de M6 annonce que le son et les lumières sont fins prêts dans le bureau prévu pour l’enregistrement, mais qu’on est toujours sans nouvelles de la star. Et tant que Boon n’est pas là, l’agent ne veut voir personne. Donc bienvenue en Goujaterie : comme il n’y a aucun troquet dans le coin, toute l’équipe va devoir faire le pied de grue sur le trottoir. Melissa comprise. On hèle le serveur d’un restaurant. Et là, miracle : pour le ventre rond de Melissa autant que pour les beaux yeux de celle qui fut naguère sacrée « plus belle femme du monde » par la presse internationale, le patron transforme illico une partie de son établissement en café…
Elle s’écroule sur la banquette, commande un thé vert, discute des sujets à venir avec sa petite bande. Optimisme indéboulonnable. Je m’en étonne : discipline ou façade ? « Ni l’un ni l’autre, c’est mon tempérament. A force, bien sûr, j’ai constaté que c’est un cercle vertueux. La gaîté génère la gaîté comme l’énervement engendre l’énervement. Et comment me plaindre ? A longueur d’année, j’explore des sujets tellement plus graves ! La maltraitance, la précarité, les abus en tous genre…» Pour tromper le temps, elle appelle un des responsables de l’émission. Et lui propose des sujets : « La communauté noire de France se mobilise pour Obama. Tu ne crois pas qu’il y a un truc à faire ? » Elle semble enthousiaste. Mais, sitôt le téléphone raccroché, elle murmure : « J’espère que, quand je serai rentrée, mon mari m’aura préparé un petit plat… » Puis elle extrait de son sac ses fiches sur les Ch’tis et commence à les potasser. L’attente, tout de même, lui a porté sur le système: d’un seul coup, elle émerge de ses notes : « J’ai perdu ma bague! J’ai dû la tripoter, c’est idiot ! » Panique générale. Une fois encore, elle refuse de s’énerver : « Laissez ! Eclairez-moi seulement avec un portable. » Première à se recroqueviller sous la table, elle finit très vite, ouf ! par dénicher son solitaire en diamant. Pas le temps de lui demander si c’est un cadeau de Djamel : comme dans un film, c’est précisément le moment où le téléphone sonne: Sa Grandeur Dany Boon, finalement, a daigné venir. Mais il est épuisé, sa vie est trop dure, il n’a pas le temps, il faut enregistrer tout de suite et en toute discrétion. Bref, cancer de l’ego très avancé. Melissa éclate de rire. Mais au lieu de se tenir les côtes, comme d’habitude, c’est son ventre qu’elle soutient. Protectrice, dans l’hilarité comme dans le stress. On convient de se revoir deux jours plus tard puis elle s’engouffre dans l’immeuble, plus déterminée que jamais. Un vrai petit soldat de la télé.
La fille que je retrouve quarante-huit heures après, non loin de son appartement de l’Ile Saint-Louis, est inchangée : sous le soleil et au calme, rayonnante et gaie. Comme dans les fébriles sous-sols de M6. Elle a obtenu dix minutes de Boon, elle est ravie. Le reste, elle préfère l’oublier : « Je suis toute à ma grossesse. Je veux profiter de chacun de ses instants avec tous ceux que j’aime. Sa tonalité, ses harmoniques, je les garde pour moi. Vous ne me verrez jamais donner dans le cliché« Melissa Theuriau-épanouie-enceinte ». Mon mari, beaucoup plus que moi, appartient au public. Donc nous ne pouvons pas tout cacher de notre vie. Mais comme lui,je veux vivre ces moments-là avec le maximum d’intimité.» Je relève qu’elle a constamment le mot « mari » à la bouche. Pas du tout raccord avec l’image de Debbouze. Ni avec l’âge de Melissa : tout juste trente ans. Un peu vieillot. Pourquoi ne dit-elle jamais « Djamel » ? Pudeur ? Manque de confiance en elle, comme souvent chez les très belles femmes ? Soif de repères solides, besoin de sécurité ?
Ma question, pour une fois, la désarçonne. Bref moment de défensive. L’eau dorée de ses yeux se trouble, son front se plisse. Puis elle retrouve sourire et allant: « Mais j’adore les choses vieillottes ! « Mari », « mariage », ce sont pour moi des mots sacrés. Et c’était capital qu’on s’engage devant Dieu et devant les hommes. On a voulu dire qu’on s’est trouvés. On a eu les mêmes blessures, les mêmes origines modestes, le même statut d’aîné, celui qui porte tous les espoirs de la famille.Et nos métiers sont finalement identiques : évoquer les sujets qui font mal, briser la loi du silence, nous battre contre le mépris, la plaie la plus profonde de notre société. Et montrer qu’on peut sortir du communautarisme. Ma famille est catholique, celle de mon mari musulmane, elles nous ont fait le cadeau du respect mutuel. Au contact de ses grands-parents, notre enfant se familiarisera spontanément avec les deux religions. et quand il sera grand, il choisira. Ou ne croira en rien. L’essentiel, c’est qu’il sache d’où il est sorti. Par moi, de la terre. Et par son père, de la banlieue. Et ce sera la même chose pour les autres. Parce qu’idéalement, des enfants, j’en voudrais trois… »
Djamel Debbouze, alors, le Prince Charmant? Définitivement, absolument ? « Vous pouvez le dire comme ça. » La voix s’est légèrement cassée, le regard s’est fait songeur. Rempli de quelque chose d’infiniment plus complexe que la gaîté d’une belle fille épargnée du malheur. Sûrement les fêlures, les blessures communes qu’elle dit partager avec Debbouze. Mais lesquelles au juste ? Elle secoue la tête et se replie dans le refuge de la grossesse : « Je préfère rester dans l’ode à la vie que je porte. » Puis, effleurant une fois de plus son ventre en forme de planète, elle cherche la lumière. Et me décoche son plus beau sourire. Solaire et secrète, obstinément.