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La face lumineuse d'Alain Robbe-Grillet
Posté le 26 f�vrier 2008
Robbe-Grillet s'en est allé en ayant bien pris soin de laisser derrière lui sa légende nickel-chrome, prête à être imprimée dans tous les manuels d'histoire littéraire sous la rubrique "Nouveau roman". Moi ,c'était l'épicurien que je connaissais. On s'est toujours rencontrés dans des occasions gourmandes. Notre rapport, pour l'essentiel, a été de partager d'excellents repas. Même quand je l'interviewais. Il était particulièrement friand d'huîtres, de pied de cochon et vins de Saumur, et de vins jaunes du Jura. Il était très charnel, très précis dans sa façon de décrire les crus, sans jamais tomber dans le jargon oenologique.
Je crois aussi, que personne, en l'approchant, ne pouvait se départir d'une sensation de crainte. Son regard perçant, son oeil machiavélique, le sentiment, fondé ou non, d'avoir affaire à un prodigieux manipulateur. Mais aussi la sensation que d'une seconde à l'autre, il pouvait vous balancer une de ces réflexions vachardes dont il avait le secret...
On avait un rapport curieux, lui et moi. Il m'abordait toujours d'un "Alors Frain, comment tu vas?" . Bougon et claironnant, comme entre mecs. Ca ne me mettait pas franchement à l'aise. Je me sentais plus rassurée avec sa femme Catherine, alias Jeanne de Berg, par ailleurs organisatrice de sulfureuses "cérémonies secrètes". Pas franchement ma cup of tea, ce monde SM. Pendant plusieurs après-midi, à Paris lors de l'étouffant été 2001, elle m'a relaté son parcours là-dedans, depuis ses débuts de jeune mariée comme Lolita de Robbe-Grillet, jusqu'à sa consécration comme "maîtresse". Une longue conversation qui a débouché sur "Entretiens avec Jeanne de Berg" publié chez un éditeur belge, Les Imprimeries nouvelles.
La manière dont Catherine en parle, distanciée et réfléchie, m'a permis de mieux comprendre le sado-masochisme. On s'est revues souvent, une complicité s'est établie. Je pense que son grand homme lui doit beaucoup. Elle était si présente à ses côtés, si vigilante, si aimante... Je sais, l'un et l'autre détestaient tout ce qui, de près ou de loin, ressemblait à l'expression du "sentiment"... Mais tout de même...
L'interview d'Alain Robbe-Grillet que j'ai réalisée en septembre 2000 pour Paris-Match est consultable sur ce site (onglet actualité, Mes interventions dans la presse).

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