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UN CRIME SANS IMPORTANCE: PLEINE PAGE OUEST FRANCE
Le 23 ao�t 2020
Merci à Mathilde CARIOU et à OUEST FRANCE pour la pleine page de Ouest-France de dimanche dernier consacré au dernier livre d'Irène " UN CRIME SANS IMPORTANCE"
En voici le texte:
« La justice doit faire sa révolution »
Dans « Un crime sans importance, l’écrivain évoque le meurtre de sa sœur, agressée à son domicile en 2018. Et dénonce l'enfer judiciaire qui attend les proches de victimes « sans importance »
Elle est solide, Irène Frain. Quand elle prend la parole avec assurance, pudeur et détermination, nul ne saurait deviner les atrocités qu'elle vient de lire. Et pourtant, le rapport de police est enfin arrivé - 1 400 pages détaillant l'agression, sauvage selon ses mots, de sa sœur aînée, âgée de 79 ans. Les détails des faits, survenus deux ans plus tôt et jusque-là inconnus, même aux proches de la victime, sont dignes d'un film d'horreur :«Un mix entre les frères Cohen, Hitchcock, avec un peu de Polanski », plaisante-t-elle.
La parole sur le sang versé
« Ce livre, c'est mon combat contre le silence » confie celle qui s'est heurtée, des mois durant, à des murs de non-dits : «Le silence de (s)a famille, celui de la police puisque (s)on premier avocat était en contact avec le chef d'enquête, et celui de la justice» ont enfermé Irène dans ce qu'elle appelle, à juste titre, le « ban-lieu ». «Le bannissement, c'est la pire punition après la mort. J'ai été privée du pain des paroles ». La situation est d'une rare violence, le deuil impossible. « Ce livre n'est pas une thérapie, souligne Irène. Ce n'était juste plus possible : il faut dire les choses. Il faut mettre de la parole sur le sang versé, sinon les sociétés humaines ne peuvent pas fonctionner.»
Cette parole qu'elle espère, c'est celle de la justice :«Le droit romain trouve son origine dans la parole : il fallait dire le droit. A tel point que « dicere » signifiait « juger ». On prononce un jugement !» Mais le temps de la justice n'est pas celui des victimes. « Lorsque j'ai fait mon premier signalement, on m'a répondu de façon très sommaire, raconte Irène. J'ai déposé ce qu'on appelle gentiment une plainte simple, avec un vocabulaire d'ancien régime... Je n'ai jamais eu aucune nouvelle, et on m'a déconseillée de me porter partie civile. » Un autre membre de sa famille fera le même signalement, sans succès. « On ne lui a tout simplement pas répondu, parce qu'il n'était pas connu, s'indigne l'écrivain. C'est d'un mépris !»
La « sœur souveraine »
Irène Frain n'écrit pas pour régler ses comptes, mais pour mettre le doigt sur une incohérence fondamentale : comment vivre dans une société aussi rapide, avec une justice aussi lente ? «Je sais, comme tout le monde, le manque de moyens de la justice. Mais je crois que contrairement à l'hôpital, elle n'a pas fait sa révolution. » La révolution dont elle parle, c'est celle de la considération : «Il y a vingt, trente ans, vous étiez un patient, quelle que soit votre impatience. Aujourd'hui, les médecins vous incluent davantage et communiquent, dans la mesure du possible. Bien sûr qu'il y a des procédures. Mais si les médecins l'ont fait pourquoi pas les juges ? »
Si la lecture, encore récente, du dossier de police affecte naturellement Irène Frain, elle ne se dit pas détruite par cette histoire. Un crime sans importance n'est ni une plainte ni un réquisitoire. C'est une manière pour l'écrivain de donner une chance au dossier de Denise :«C'est elle la victime, pas moi !» Au fil des pages, Irène dresse le portrait d'une « fée-marraine » cultivée, élégante, et généreuse.
Un « beau personnage » qu'elle a rarement évoqué, par pudeur : « Dans La fille à histoires je l'appelle la « sœur souveraine ». Elle me protégeait. D'ailleurs sur la photo (de couverture) c'est flagrant : un môme qui s'accroche comme ça au bras de sa sœur, ça veut dire « Ne me lâche, ne me quitte pas»».
Après des mois d'enfer, de silence et de mépris, Irène a décidé d'avancer :«Je veux rester sur le versant lumineux des choses. » Lors d'un dîner en compagnie de ses lecteurs, elle rit, plaisante, parle avec ses mains. Elle donne des conseils d'écriture à ceux qui veulent se lancer dans l'aventure littéraire. Exit la femme « soumise, écrasée, déboussolée, fataliste et désespérée» qui griffonnait ses pensées, souvent nocturnes, dans un fatras de carnets. Irène Frain est désormais de retour dans « le partage, l'amour, l'amitié, l'écriture».
Un crime sans importance s'achève sur un poème, qu'Irène compose en hommage à sa condition d'écrivain : « Depuis toute petite, j'ai essayé de comprendre des secrets de famille. J'étais au grenier, je fouinais. Je suis celle qui piétine l'oubli. Peu importe que les gens mènent leur vie avec indifférence et mépris, moi j'essaie de réparer la vie en racontant des histoires. » Et s'il était là, le propre de la littérature ?
Mathilde CARIOU.
En voici le texte:
« La justice doit faire sa révolution »
Dans « Un crime sans importance, l’écrivain évoque le meurtre de sa sœur, agressée à son domicile en 2018. Et dénonce l'enfer judiciaire qui attend les proches de victimes « sans importance »
Elle est solide, Irène Frain. Quand elle prend la parole avec assurance, pudeur et détermination, nul ne saurait deviner les atrocités qu'elle vient de lire. Et pourtant, le rapport de police est enfin arrivé - 1 400 pages détaillant l'agression, sauvage selon ses mots, de sa sœur aînée, âgée de 79 ans. Les détails des faits, survenus deux ans plus tôt et jusque-là inconnus, même aux proches de la victime, sont dignes d'un film d'horreur :«Un mix entre les frères Cohen, Hitchcock, avec un peu de Polanski », plaisante-t-elle.
La parole sur le sang versé
« Ce livre, c'est mon combat contre le silence » confie celle qui s'est heurtée, des mois durant, à des murs de non-dits : «Le silence de (s)a famille, celui de la police puisque (s)on premier avocat était en contact avec le chef d'enquête, et celui de la justice» ont enfermé Irène dans ce qu'elle appelle, à juste titre, le « ban-lieu ». «Le bannissement, c'est la pire punition après la mort. J'ai été privée du pain des paroles ». La situation est d'une rare violence, le deuil impossible. « Ce livre n'est pas une thérapie, souligne Irène. Ce n'était juste plus possible : il faut dire les choses. Il faut mettre de la parole sur le sang versé, sinon les sociétés humaines ne peuvent pas fonctionner.»
Cette parole qu'elle espère, c'est celle de la justice :«Le droit romain trouve son origine dans la parole : il fallait dire le droit. A tel point que « dicere » signifiait « juger ». On prononce un jugement !» Mais le temps de la justice n'est pas celui des victimes. « Lorsque j'ai fait mon premier signalement, on m'a répondu de façon très sommaire, raconte Irène. J'ai déposé ce qu'on appelle gentiment une plainte simple, avec un vocabulaire d'ancien régime... Je n'ai jamais eu aucune nouvelle, et on m'a déconseillée de me porter partie civile. » Un autre membre de sa famille fera le même signalement, sans succès. « On ne lui a tout simplement pas répondu, parce qu'il n'était pas connu, s'indigne l'écrivain. C'est d'un mépris !»
La « sœur souveraine »
Irène Frain n'écrit pas pour régler ses comptes, mais pour mettre le doigt sur une incohérence fondamentale : comment vivre dans une société aussi rapide, avec une justice aussi lente ? «Je sais, comme tout le monde, le manque de moyens de la justice. Mais je crois que contrairement à l'hôpital, elle n'a pas fait sa révolution. » La révolution dont elle parle, c'est celle de la considération : «Il y a vingt, trente ans, vous étiez un patient, quelle que soit votre impatience. Aujourd'hui, les médecins vous incluent davantage et communiquent, dans la mesure du possible. Bien sûr qu'il y a des procédures. Mais si les médecins l'ont fait pourquoi pas les juges ? »
Si la lecture, encore récente, du dossier de police affecte naturellement Irène Frain, elle ne se dit pas détruite par cette histoire. Un crime sans importance n'est ni une plainte ni un réquisitoire. C'est une manière pour l'écrivain de donner une chance au dossier de Denise :«C'est elle la victime, pas moi !» Au fil des pages, Irène dresse le portrait d'une « fée-marraine » cultivée, élégante, et généreuse.
Un « beau personnage » qu'elle a rarement évoqué, par pudeur : « Dans La fille à histoires je l'appelle la « sœur souveraine ». Elle me protégeait. D'ailleurs sur la photo (de couverture) c'est flagrant : un môme qui s'accroche comme ça au bras de sa sœur, ça veut dire « Ne me lâche, ne me quitte pas»».
Après des mois d'enfer, de silence et de mépris, Irène a décidé d'avancer :«Je veux rester sur le versant lumineux des choses. » Lors d'un dîner en compagnie de ses lecteurs, elle rit, plaisante, parle avec ses mains. Elle donne des conseils d'écriture à ceux qui veulent se lancer dans l'aventure littéraire. Exit la femme « soumise, écrasée, déboussolée, fataliste et désespérée» qui griffonnait ses pensées, souvent nocturnes, dans un fatras de carnets. Irène Frain est désormais de retour dans « le partage, l'amour, l'amitié, l'écriture».
Un crime sans importance s'achève sur un poème, qu'Irène compose en hommage à sa condition d'écrivain : « Depuis toute petite, j'ai essayé de comprendre des secrets de famille. J'étais au grenier, je fouinais. Je suis celle qui piétine l'oubli. Peu importe que les gens mènent leur vie avec indifférence et mépris, moi j'essaie de réparer la vie en racontant des histoires. » Et s'il était là, le propre de la littérature ?
Mathilde CARIOU.